Les Etats-Unis et l’Europe peuvent-ils empêcher Huawei de devenir numéro 1 ?

La dynamique semble irrésistible : Huawei Mobile progresse d’année en année en parts de marché, et compte même décrocher la première place en nombre de ventes de smartphones à l’horizon 2020. Pour autant des défis attendent le constructeur, à qui les Etats-Unis et l’Union Européenne, entre autres, reprochent ses liens supposés avec le gouvernement chinois. De quoi voiler les roues du carrosse ? Pas si simple…

EDITORIAL – Il y a encore peu, lorsque les géants chinois s’internationalisaient, ils s’intéressaient plutôt aux marchés émergents qu’aux marchés développés. Une manière d’écouler des volumes importants sans nécessairement se plier aux mêmes contraintes légales et environnementales… pourtant Huawei a depuis longtemps choisi une autre voie, beaucoup plus ambitieuse : devenir une marque mondiale, devenir numéro 1 dans toutes ses activités et en particulier dépasser Apple et Samsung en tant que constructeur de smartphones. Et force est de constater que Huawei fait efficacement progresser ses objectifs. Très vite.
Dès le départ, la partie était pourtant loin d’être gagnée. Les produits en provenance de Chine, en particulier les appareils électroniques, trainaient une réputation de low-cost. Le nom de marque elle-même, difficile à prononcer, n’était pas nécessairement un atout alors qu’Huawei était quasiment inconnu du grand public au milieu des années 2000 – au moment de la sortie des premiers smartphones. Pourtant à cette période Huawei avait déjà bien
Comment Huawei s’est internationalisé
Ses ambitions en direction de l’Ouest semblent commencer en 1997 – Huawei alors déjà acteur majeur, depuis les années 1980, de la modernisation des réseaux de télécommunication chinois, gagne un contrat dans la nouvelle région administrative spéciale de Hong Kong (la péninsule est alors tout juste rétrocédée à la Chine). Dès 1998, la firme passe un contrat avec IBM. Un an plus tard Huawei ouvre un premier centre de recherche et développement en Inde, à Bangalore – pour y développer la partie logicielle d’équipements réseau.
La cadence s’accélère en 2000. Le constructeur fait grimper son volume d’exportation et ses ventes à l’international atteignent alors l’équivalent de 88 millions d’euros (100 millions de dollars). La même année, Huawei installe son premier centre de recherche et développement européen à Stockholm en Suède – une première pour un constructeur d’équipements réseau chinois. L’année suivante, la firme ouvre quatre (!!) centres de R&D aux Etats-Unis, et rejoint l’Union Internationale des Télécommunications (UIT).
En 2002, ses activités à l’international rapportent déjà à Huawei l’équivalent de 486 millions d’euros, soit 5 fois plus qu’en 2000. Les années suivantes, le constructeur remporte divers contrats majeurs principalement dans les infrastructures réseau. La firme noue un contrat avec Telfort (Pays-Bas) en 2004, pour développer son réseau 3G – quelques mois plus tard, les revenus issus de l’international dépassaient ceux réalisés en Chine.
En 2005, la firme signe un accord international majeur avec Vodafone – opérateur britannique qui possède des opérateurs dans 25 pays et est partenaire d’autres opérateurs dans 47 autres pays. Huawei signe alors un contrat avec British Telecom pour développer son infrastructure. En 2008, Huawei ouvre avec Optus un nouveau Centre d’innovation à Sydney en Australie. La même année, le géant chinois remporte un énorme contrat avec l’opérateur américain TELUS et le canadien Bell Canada pour développer la prochaine génération de réseaux sans fil.
ommencé à placer ses pions sur l’échiquier.
Huawei commence dès 2010 à se constituer de l’avance sur la concurrence
Un tournant dans l’histoire du constructeur, c’est sans doute l’année 2009. Huawei fournit alors à l’opérateur norvégien TeliaSonera l’une des toutes premières infrastructure réseau 4G. La même année, Huawei affiche des résultats financiers exceptionnels : ventes annuelles équivalentes à 19,18 milliards d’euros et un bénéfice net de 2,34 milliards d’euros. Le magazine Fortune l’inclut la même année dans sa liste Global Fortune 500 des entreprises les plus puissantes au monde.
L’entreprise redouble alors d’efforts en termes de communication. Avec des sponsoring dans la pop culture, par exemple en finançant la tournée des Jonas Brothers en 2013. Des contrats commencent dans le même temps à être noués avec les opérateurs pour distribuer ses smartphones, comme l’Ascend Y300. Dès lors, Huawei poursuit sa quête de contrats, le développement de smartphones et ses efforts en communication.
En 2018, Huawei est déjà le premier équipementier réseau dans le monde, c’est un acteur incontournable. C’est aussi l’année où l’entreprise devient le 2e constructeur de smartphones au niveau mondial devant Apple. L’aboutissement d’une stratégie payante, avec des produits plus innovants que la concurrence à des prix raisonnables sans être nécessairement bas. Huawei veut rimer avec qualité et conception soignée.
Le P20 Pro a marqué les esprits
Son P20 Pro représente un autre tournant : c’est le moment où Huawei lance pour la première fois une tendance suivie par l’industrie. Celle d’un smartphone doté de 3 capteurs photo et d’un SoC optimisé pour l’intelligence artificielle, pour prendre de meilleurs clichés que les smartphones concurrents. C’est une réussite, et un succès critique. Nous sommes complètement tombés sous le charme de ses photos de nuit lors de notre test.
Depuis, d’autres constructeurs comme Samsung sont en train de passer à trois voire davantage de capteurs photo utilisés simultanément lors de la prise de vue. On prête à Apple, que Huawei vient de dépasser en volumes de ventes, la même intention pour son iPhone XI. Huawei essaie également de surprendre : contrairement à ses concurrents qui ont adopté des cycles d’innovations « Tick-tock », c’est à dire une nouvelle génération suivie d’une simple mise à jour l’année suivante (avec relativement peu de changements), la marque semble désormais changer de design à chaque nouveau smartphone.